Article rédigé pour Holistik Magazine/Sofia Barao.
Qu’entends-je quand je parle de « chemin de vie » ? D’où est-ce que j’entends ? Quel sens cela a-t-il pour moi – et pour vous ?
L’idée du chemin pourrait être un parcours qui se déroule derrière soi et devant soi, avec un point de départ et un point d’arrivée, un début et une fin. De la naissance à la mort, par exemple ? Si j’envisage « ma vie » de ce point de vue, quels sont les critères par le biais desquels je vais percevoir mon parcours ? Sont-ils extérieurs, en fonction des filtres mis en place par le conditionnement de tout être humain, familial, culturel, social, voire religieux, sur les plans psychologiques, affectifs, spirituels ? Le « chemin » n’a de sens sans le fait de marcher, d’avancer. Il parle de ce fait d’espace et de temps, donc du monde de la forme. Ou bien ces critères sont-ils intérieurs ? Considèrent-ils mon cheminement intérieur, l’évolution des différents aspects de ma vie à l’aune de mes aspirations profondes, de ma conscience ?
Les pèlerins du Chemin de St Jacques de Compostelle parlent de transformation, donc de chemin intérieur, parallèle à celui qui s’est déroulé sous leurs pas, fait de terre et de pierre, de soleil et de vent, de sueur et de douleur, de rencontres et de paroles.
Pour la plupart d’entre nous, si nous prenons en considération notre chemin en tant que « parcours », il en résulte une évaluation, une mesure, un jugement, le plus souvent sévère ou amer, bien souvent dans une comparaison-réflexe inconsciente avec le parcours d’autres que soi, avec des conclusions. Nous entrons presqu’à coup sûr dans un mode d’identification, et de plus à quelque chose qui de toute façon est subjectif, donc n’a pas une réalité unique et fixe. Cela nous pousse à agir, réagir, attendre, résister, à vouloir contrôler donc à nous attacher. C’est le fruit du conditionnement du mental qui automatiquement glisse à notre insu des grilles de lectures dans les rouages du mental. C’est aussi la source de toute souffrance.
Pour ma part, au fil du temps et des expériences intérieures, j’ai fait un autre choix. C’est celui qui place ma conscience au cœur de l’instant, dans le souffle qui se manifeste dans mon corps. Mon souffle suit-il un chemin ? Cela aurait-il un sens de le situer et de l’évaluer dans le temps et l’espace ? Ou bien puis-je simplement reconnaître qu’il est là, LE Souffle à chaque inspir et expir renouvelé ? Dans le microcosme, si je considère la vie des centaines de milliards de micro-organismes qui constituent ce que je nomme mon corps, en perpétuel mouvement, en constante transformation, puis-je être le ou la même d’une seconde à l’autre ? Si j’élargis mon champ de perception au macrocosme, s’ajoute le mouvement de la planète en rotation sur elle-même et autour du soleil, dont nous savons maintenant que la trajectoire, à une vitesse qui défie la raison, est sinusoïdale dans notre galaxie, elle-même en mouvement au sein d’un univers de centaines de milliards de galaxies…
Qu’ai-je donc d’autre à portée de pleine conscience que ce fugitif et éternel instant présent ?
De ce positionnement-là, que peut être mon « chemin de vie » ?
Est-ce le flux de la Vie en moi ? Est-ce cette vibration captée par mes cellules, qui informe l’eau de mon corps comme de tout organisme vivant, cette fréquence non localisée maintenant reconnue par la recherche quantique ? Cela a-t-il un commencement et une fin ? Qu’en sais-je et de quoi puis-je être certain-e ?
De ce point de vue, l’idée de chemin se dissout d’elle-même, n’est-ce pas ?
Puis-je accueillir cette dissolution ?
Surviendrait alors peut-être un état miraculeux et extatique : libération.
Libération des projections, interprétations, jugements, peurs, attentes et crispations de tous ordres. Libération des liens, des attaches, des limites, des représentations, des croyances qui sont tout cela à la fois. Libération du temps, ce maître qui peut nous rendre esclave.
Je deviens capable de lâcher mon « histoire », ou de la revisiter à loisir et la relire autrement. Plus rien n’est fixe, figé, inscrit. Je peux laisser la Vie déborder du chemin de mon mental et s’exprimer pleinement et à sa guise dans un espace dont j’ignore s’il a des limites. Laisser la Vie se manifester en moi et métamorphoser ma Réalité.
La Vie de me demande rien, ne me doit rien et je ne lui dois rien. Elle n’attend pas que je suive un certain chemin – j’ai le libre-arbitre et je suis pleinement responsable.
Ma conscience ne suit pas davantage un « chemin ». Elle ne cherche rien, ne va nulle part, n’attend rien, ne me demande rien. La Conscience en moi EST. Et de ce fait, JE SUIS.
Je suis le Contenant.
Tout ce que je perçois est le contenu.
Mon « chemin de vie » n’est plus alors que le regard que je porte sur ce qui est mémoire subjective de moments, chronologie de sensations, d’émotions, d’images. Le temps souvent constitue un facteur générant du stress, or, les scientifiques nous disent maintenant que le temps n’existe pas.
Si je fais le choix d’élargir mon champ de perception, de créer une distance entre la situation et le contenant qui la perçoit, de donner l’espace à la Conscience, de me défaire de mon attachement au temps, je peux quitter les notions mentales liées au monde de la forme et m’ouvrir à l’Essence même de qui je suis, à la Nature de la Vie que je suis. Je peux regarder ce que par convention on appelle « mon chemin de vie » avec douceur et tendresse, avec gratitude, une fois toute pression non réelle enlevée. Je peux à la fois m’en détacher et l’aimer, ce qui peut sembler paradoxal.
Mais l’Amour, le détachement, la fin de l’illusion sont intimement mêlés et se donnent mutuellement vie. Dans un mouvement infini que le mental ne peut appréhender.C’est en laissant disparaître les cloisons de verre des représentations mentales que nous pouvons renoncer à comprendre (prendre avec), pour nous placer dans l’ouvert, entrer dans l’expérience et accueillir ce flux mystérieux et puissant que nous sommes. Lui rendre sa liberté et nous laisser porter par ce courant en toute confiance.
Là, notre « https://issuu.com/holistikmagazine/docs/holistik_magazine_9_-_chemins_de_vichemin » sort de toute tentative d’analyse pour se fluidifier et faire Un avec la Vie, avec l’énorme bénéfice de libérer de ce fait l’Autre, TOUS les Autres, en même temps que soi.