Jeûner, très largement en amont du simple fait de cesser de s’alimenter, c’est répondre à un appel en un lieu intérieur silencieux et immobile.
Le premier mot qui surgit à l’évocation du jeûne, c’est ÉCOUTER.
Écouter depuis un espace inconditionnel sans laisser le mental ergoter. C’est-à-dire laisser la réponse se manifester et occuper l’espace, par une écoute fine tournée vers l’intérieur – s’agissant d’intérieur physique autant que d’intériorité.
Une sorte d’appel simultané sur plusieurs plans parvient progressivement à la conscience, au début timidement, s’éloigne, puis revient dans une succession d’allers-retours pour devenir de plus en plus clairement une évidence : la nécessité de faire le vide – mettre les organes au repos complet. En termes plus familiers : une aspiration à remettre les compteurs à zéro.
Du point de vue où j’observe, la motivation initiale ne peut résider dans un désir de « paraître ». Elle trouve sa source dans un désir profond de disponibilité, d’épuration, d’allègement, une soif d’espace et de fluidité, de réalignement sur un axe originel. La disponibilité qui en découle se décline sur tous les plans : temporel, organique, émotionnel, intellectuel, spirituel (liste non-exhaustive).
Cette qualité d’écoute tournée vers soi présidant à la décision est une condition sine qua non à entretenir tout au long du jeûne lui-même. Cela devient un positionnement, un état continu qui s’affine de jour en jour pour devenir cristallin et qui favorise la réception de ce que l’activité de surface shunte la plupart du temps : l’Information venue de divers plans de notre incarnation.
Une grande qualité d’écoute fait la part belle à l’observation. Le plus souvent, si nous entrons de plain-pied dans l’expérience, nous découvrons au fil des jours que ce que nous croyons est erroné, que ce qui se produit n’est pas ce à quoi nous nous attendons. Entrer dans le jeûne requiert de s’épargner les représentations d’usage pour s’ouvrir à l’inconnu et en cela il se révèle un outil puissant et précieux de déconstruction mentale. Ceci reste vrai alors même que l’on jeûne régulièrement : jamais l’organisme et ses corps ne se manifestent de façon prévisible, ni ne se soumettent à un éventuel contrôle que le mental voudrait exercer. Il est possible de passer en force, mais je le déconseille, les effets d’une posture rigide et prédéterminée pouvant s’avérer fort pénibles.
Ce positionnement d’observation et d’écoute, si l’on entre réellement dedans, réduit subtilement l’observateur au bénéfice de ce qui est observé. C’est un peu comme se retirer de plus en plus de la volonté, de l’action, de l’intervention, en douceur et délicatesse. Cela fait la place à l’information d’où qu’elle vienne, aussi subtile soit-elle.
Cesser d’interférer.
Progressivement on « VOIT ».
Bien sûr on perçoit dans son corps un tas de sensations qui d’ailleurs se succèdent sans se ressembler. Mais voir me semble particulièrement intéressant parce qu’il s’agit là de conscience et ce qui est vu ne peut disparaître complètement. C’est s’approcher de soi, ou initier un mouvement de retour vers soi, le cas échéant. De nouveaux repères s’établissent, plus proches, plus fins, plus accordés. Peut-être même de nouvelles croyances, mais il devient clair qu’elles se verront déconstruites à leur tour un jour prochain. Plusieurs formes d’attachement peuvent se dissoudre sans effort dans cette expérience, induisant un lâcher-prise dans d’autres aspects de notre vie par contagion.
La non-intervention s’installe presque naturellement.
L’étonnement tourne à l’émerveillement lorsqu’il est constaté que l’organisme retrouve progressivement son équilibre « originel », c’est-à-dire son état « avant toute intervention conditionnée ». Dès que nous cessons d’intervenir, la Vie répare, restaure (le comble : un jeûne « restaure » 😉), rétablit, régénère, renouvelle, réinitialise. La Vie SAIT, Est, agit. La laisser faire son œuvre de sagesse et d’amour offre le cadeau ultime du jeûne : le Divin est à l’œuvre – « je » ne suis pas à l’origine de ce qui se déroule en moi.
C’est une réconciliation qui s’offre, comme des retrouvailles, avec des parts de nous souvent ignorées, reléguées hors du champ de notre conscience ou inaccessibles auparavant.
Jeûner ouvre l’accès à un univers intérieur insoupçonné. À l’évidence, un dialogue s’instaure avec l’organisme, les organes, le métabolisme et ses miracles. Le surgissement de croyances, de peurs archaïques, de représentations erronées, de mécanismes affectifs très anciens, de leurs effets et leur dissolution fait appel à la confiance et à une certaine détermination à l’accueil inconditionnel. La révélation de capacités réelles (à l’inverse de la nature des peurs) et du rôle qu’elles peuvent jouer, sur le plan individuel mais aussi collectif, ouvre des perspectives inattendues. Le calme qui règne au-delà du brouhaha métabolique nourrit. L’expérience d’équilibre, de disponibilité, de libération engendre un état de jubilation. Le temps s’expanse, affranchi des « courses-cuisine-repas-vaisselle-digestion », libérant de vastes espaces où notre dimension plus fine et subtile dispose d’un champ d’expression inespéré. L’attention s’affine. L’information non mentalisée est perçue dans les cellules avec une clarté accrue, la Vie peut œuvrer hors du contrôle habituel et des addictions. Une communication inédite avec les plans non-physiques, propre à chacun, s’installe.
Le jeûne est une invitation à l’auto-accompagnement vers soi dans une disposition d’esprit pionnière, souple, sans enjeu. Cette attitude curieuse et dégagée autant que possible d’objectif égotique conduit à une expérience fluide et initiatique, reposant sur une sagesse naturelle quant aux choix sur le plan incarné – un processus alimentaire sain et propice.
Considérer le jeûne comme le fait physiologique de cesser de s’alimenter est si réducteur que cela prive de la plus enrichissante part de l’expérience : une rencontre intime inédite avec soi.
Contrairement à l’ancrage inconscient collectif bien inscrit dans notre société addictive à l’excès, nous sommes physiologiquement « équipés » pour jeûner. Et si cette pratique est préconisée depuis des siècles au sein de diverses philosophies et religions, cela n’est certainement pas une coïncidence.
Entendre cet appel en soi et oser entrer dans l’expérience avec discernement peut constituer une ouverture majeure, et faire le cadeau d’un grand nombre d’effets bénéfiques, souvent inattendus, sur tous les plans.