Texte de présentation de mon expo photo – 2003

Pourquoi  ce titre ?  Parce que ma rencontre  avec le Népal s’est  passée dans un univers de douceur. J’évoque  ici cet  espace intérieur  où les rythmes se posent, et d’où  l’on  perçoit toute chose avec attention  et innocence. C’est  bien de  douceur qu’il  s’agit.  Douceur  pour  soi-même,  par cette attention  silencieuse, et douceur pour l’extérieur, par la tranquille acceptation de ce qui Est.

Le Népal a laissé une  empreinte  profonde  en moi. Les paysages s’ouvrent comme des fenêtres sur la démesure  originelle. Les personnes viennent  à nous  par  des chemins  qui  nous  sont  inconnus.  C’est  comme  si  quelque  tentative  de  lutte devenait vaine. Face à cette dimension  de la terre  et des cœurs,  aucun  de nos habituels combats ne trouve justification. La pensée perd toute utilité ou presque, la prévoyance manque sa cible, l’anticipation devient une gêne, le calcul tombe dans le vide d’un espace-temps autre. Nous sommes au pays de l’essentiel, du prioritaire, du primordial. Loin des caprices de notre course contre le temps et la matière.

Ici nous ne dominons  rien ni personne. Nous existons en retrouvant  le sens de la simplicité. Notre respiration se nourrit de ce que nous avons tant cherché à oublier, et  qui  est  omniprésent :  la  précarité,  la  trivialité  de  la  condition  humaine,  le manque,  l’absurdité,  la peur…  Mais aussi la beauté,  l’humilité,  la générosité, la solidarité…

Ces visages  de la vie que nous voudrions à tout  prix gommer de notre  monde artificiel et qui manquent  à notre conscience pour que le réel soit Réel.

La mort,  la perte, l’abandon,  l’absence  de contrôle sur les évènements, nous les renions  avec force de ce côté-ci  du  monde,  en  refusant  d’admettre  quels alliés puissants  ils peuvent  devenir  pour  notre  croissance intérieure  et  notre  propre humanité.

Ces images vous évoqueront peut-être ce qui veille en vous et vous appelle…

Car ne vous leurrez pas : cet univers inconnu saisi sur ces quelques clichés ne vous est pas étranger, il n’est pas extérieur à vous. Il fait partie de vous comme vous faites partie de lui. Ne vous émerveillez pas davantage de ce monde  magnifique que de votre monde intérieur.  Par son existence il vous rappelle simplement qui vous êtes. Cette vérité qui n’est  qu’à  vous,  dont vous êtes à la fois pleinement  détenteur  et pleinement responsable.

Rien n’a plus de valeur que ce tréfonds de chacun de nous. Il doit exister au grand jour pour illuminer le Réel.

Puissent ces  « empreintes népalaises » raviver cet essentiel qui est en vous…